J'ai le grand plaisir d'être ici avec vous pour traiter de questions d'une extrême importance devant un auditoire éminent au
Canada et au Centre Woodrow Wilson de Washington.
Tout au long de sa longue carrière politique, le congressiste américain Tip O'Neill était connu pour sa rengaine : « Toute
politique est locale. » Plus récemment, le journaliste américain Thomas Friedman disait : « Toute politique est mondiale. »
Dans un esprit typiquement canadien de rapprochement et de diplomatie, je vous dirais que l'un et l'autre ont raison.
Nous vivons dans un monde de plus en plus interdépendant, où il devient manifeste que toute politique est à la fois locale et
mondiale. Virtuellement à tous les paliers des priorités publiques, nous pouvons constater à quel point les problèmes et
perspectives d'envergure mondiale recoupent les réalités locales.
Prenons comme exemple deux des grandes questions de l'actualité canadienne cette semaine, à savoir : le projet de
ratification de l'Accord de Kyoto et le traitement fait aux résidents canadiens à la frontière américaine. Dans l'un et l'autre
cas, les enjeux auxquels les gens font face dans leur vie quotidienne ont des ramifications avec la situation
environnementale, économique et de sécurité à l'échelon mondial. En fait, les enjeux politiques intérieurs d'aujourd'hui
peuvent rarement être réglés sans tenir compte du contexte dans lequel ils s'inscrivent à l'étranger.
À l'inverse, il est également évident que les problèmes d'envergure mondiale ne peuvent être réglés que par des stratégies
internationales répercutées à l'échelon national, régional et local. Arrêtons-nous un instant aux crises actuelles les plus
urgentes du monde :
• grave détérioration de l'environnement;
• pauvreté endémique en Afrique et ailleurs, comparativement à la grande abondance dont nous bénéficions en Amérique
du Nord et en Europe;
• pandémies comme le VIH/sida;
• menaces dues à l'existence d'armes de destruction massive;
• crime organisé et terrorisme à l'échelle internationale.
De cette liste ressortent trois enjeux dont j'aimerais vous entretenir aujourd'hui. Tout d'abord, comme je vous le disais, les
problèmes de portée mondiale se font ressentir à l'échelon local de par le monde. Les fardeaux et défis politiques qu'ils
créent sont à la fois locaux et mondiaux.
De plus, pareille situation d'interdépendance et de complexité fait ressortir la nécessité d'institutions fortes en matière de
gouvernement mondial, car elles seules sont capables d'orienter et de coordonner les efforts pour s'attaquer aux crises
mondiales. Les événements qui ont eu lieu à New York et à Washington l'an dernier et, plus récemment, à Bali, à Moscou
et au Moyen-Orient, ont fait apparaître un nouveau sentiment d'interdépendance mondiale.
Nous sommes tous plus conscients de notre vulnérabilité devant les forces et les événements à l'étranger et échappant au
contrôle de notre pays. Dans ce domaine critique qu'est la sécurité, comme ailleurs, notamment le commerce, la santé et
l'environnement, les Canadiens ont pris une orientation multilatérale par leurs engagements. Nous croyons que la meilleure
façon d'œuvrer pour un monde plus sûr, plus sain et plus prospère, pour nous Canadiens autant que pour les gens de tous
les pays, est de travailler par l'entremise des institutions mondiales.
Sur le plan de la sécurité, nous savons que, pour être efficaces, les capacités en matière de défense et d'exécution de la loi
doivent être multilatérales. Et nous devons aussi travailler sur le plan multilatéral pour établir des institutions capables de
s'attaquer aux instabilités sociales, politiques et économiques qui peuvent alimenter les conflits et l'agitation. Nous devons
chercher les moyens de garantir notre sécurité en songeant au long terme, c'est-à-dire en sachant qu'avec la démocratie, une
saine gestion publique et le respect des droits de la personne, nous retrouvons des États stables, prospères et sûrs.
Sur le plan économique, le gouvernement du Canada voit la même nécessité de règles et d'institutions internationales
efficaces, œuvrant pour servir la prospérité, ici et à l'étranger. Quelle que puisse être la controverse sur la question de savoir
à quel point la croissance est équitable dans le monde d'aujourd'hui, il est évident, pour la plupart d'entre nous, que les
avantages d'un système commercial ouvert et fondé sur les règles dépasse de loin les inconvénients. Nous continuerons
d'aborder les questions relatives au commerce international en vertu des valeurs canadiennes, c'est-à-dire pour nous
efforcer de faciliter la multiplication des perspectives de croissance de façon à augmenter la prospérité chez nos partenaires
commerciaux, notamment ceux des pays en développement.
Sur ce point également, nous constatons les avantages du multilatéralisme. Le Canada continuera d'accorder une grande
priorité à l'Organisation mondiale du commerce [OMC] et au Programme de Doha pour le développement. Moyennant un
traitement adéquat, nous croyons que l'OMC peut donner naissance à des rapports de confiance afin que les pays en
développement participent pleinement aux mécanismes et aux avantages du système commercial multilatéral. Nous en
avons témoigné fermement à Kananaskis, lorsque le premier ministre a annoncé des réductions unilatérales de la plupart
des éléments tarifaires pour les pays les moins avancés, et ce signal a été hautement salué.
Nous aurons besoin de divers outils, dont ceux-ci, à mesure que la collectivité internationale commence à s'adapter à
l'interdépendance des enjeux économiques, environnementaux et sociaux. Pour promouvoir le commerce et la prospérité à
l'échelle internationale, nous devrons intégrer des questions comme la gestion publique, l'équilibre réglementaire, la
compétitivité et les normes environnementales. Tout cela a commencé l'an dernier à Québec, au Sommet des Amériques,
où l'on a lié le libre-échange à un programme où l'on traitait également de préoccupations plus générales.
J'aimerais maintenant aborder le troisième point, le rôle de la société civile en tant qu'appui aux institutions du
gouvernement mondial et catalyseur, dans l'attitude du public, d'un climat nécessaire au succès de ces institutions. À tous
les niveaux de la gestion publique, en fait, l'appui de la société civile est essentiel pour garantir l'intégrité et la pertinence
des prises de décisions.
Dans la sphère de la politique étrangère canadienne, par exemple, je puis vous garantir que le gouvernement ne prend pas à
la légère ses obligations d'obtenir de nos citoyens les meilleurs conseils, renseignements et ressources qu'ils peuvent offrir.
Nous nous adressons aux Canadiens intéressés de toutes les régions du pays, qu'ils soient analystes, universitaires ou
militants, pour nous donner de nouveaux éclairages sur toute une gamme de problèmes cruciaux.
Il y a plusieurs années, nous avons créé une nouvelle institution, le Centre canadien pour le développement de la politique
étrangère, afin de consulter nos citoyens sur une vaste gamme d'enjeux internationaux. À la création du Centre, son conseil
d'administration a décidé de ne pas limiter sa clientèle aux intervenants habituels des affaires étrangères, notamment les
universitaires et les groupes de réflexion. Il a plutôt opté pour une technologie Internet afin de rejoindre les groupes qui,
antérieurement, avaient été peu engagés dans les affaires étrangères, notamment les jeunes, les organisations de citoyens,
les représentants des minorités, les Autochtones et les représentants locaux, pour ne nommer que ceux-là. L'expérience
s'est avérée fructueuse. Elle a permis de connaître les préoccupations d'un vaste échantillon de citoyens et d'établir un
groupe plus large d'intéressés aux relations internationales. Avant le Sommet du G8 de cette année, le Centre a tenu à
l'échelle du pays une série de tables rondes publiques sur les enjeux de l'Afrique pour connaître les avis des personnes
s'intéressant au développement, au commerce, au multiculturalisme et à la politique étrangère.
J'ai rencontré plusieurs groupes organisés par le Centre afin de connaître leurs opinions sur des sujets comme les relations
Canada-Europe et les relations avec les collectivités islamiques au Canada et à l'étranger. Habituellement, ces rencontres
réunissent des experts du domaine, mais je crois à la recherche de voix plus représentatives. Les réunions organisées à mon
bureau de circonscription me donnent une excellente perspective des préoccupations des particuliers et j'ai en outre
rencontré des groupes rassemblés en fonction d'une priorité. Ainsi, la semaine dernière, j'ai rencontré un groupe de femmes
canadiennes d'origine afghane afin d'en recevoir un rapport assorti de recommandations sur la manière dont le Canada peut
servir au mieux les intérêts des Afghanes et de leurs filles dans le cadre de notre participation à la reconstruction de ce pays.
C'est par ces rencontres que j'obtiens un aperçu personnel et concret des éléments qui se sont déroulés très loin et qui,
autrement, demeureraient abstraits et distants.
Pour ce qui est de l'avenir, le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international prépare actuellement un
document de discussion publique que nous diffuserons dans l'ensemble de la société civile canadienne afin de veiller à ce la
politique étrangère du gouvernement rende compte des valeurs et des intérêts des citoyens.
Au-delà de l'échelon national, il est essentiel que la société civile soit aussi présente dans les institutions internationales
dont l'établissement nous a coûté tant d'efforts depuis la Seconde Guerre mondiale. Dans cette sphère plus
particulièrement, nous pouvons constater à quel point est vrai ce que disait John Kenneth Galbraith il y a quelques
décennies, à savoir : « La pire politique est celle préparée dans le secret par des experts. » Les groupes de la société civile
ont toujours été de cet avis, en se faisant la conscience des gouvernements pour veiller à ce que ces politiques soient
correctes, équitables et représentatives.
Toutefois, au cours des dernières décennies, le rôle de la société civile a connu une croissance étonnante, dans les aspects
plus consultatifs et coopératifs. Les gouvernements, de par le monde, le constatent de plus en plus : les politiques établies
dans le secret par des experts ne sauraient reposer sur un éclairage suffisant et ne peuvent être exécutées assez efficacement
pour connaître le succès.
Si je veux être plus direct, je dirai que les institutions internationales doivent dépasser les réunions secrètes de spécialistes
afin d'être reconnues comme légitimes et efficaces. Les manifestations de plus en plus enflammées entourant les réunions
internationales de ces dernières années rendent compte d'un réel besoin que ces institutions deviennent plus réceptives et
moins distantes des gens dont elles sont censées servir les intérêts. Le niveau actuel de désaffection populaire n'est pas
étonnant, compte tenu du secret, de l'isolement et des priorités technocratiques qui étaient le fait de ces organisations par le
passé.
Voilà pourquoi le gouvernement du Canada s'est engagé à donner plus de vigueur aux institutions du gouvernement
mondial, à les rendre plus réceptives aux préoccupations des citoyens sur des enjeux comme le travail, l'environnement, la
culture et les droits de la personne. Nous nous sommes attaqués sur deux fronts à ce qu'on appelle le « déficit
démocratique » de ces institutions. Tout d'abord, nous avons appuyé la participation accrue des parlementaires, qui
représentent les intérêts de la population et sont élus démocratiquement. En faisant participer les parlementaires aux
tribunes actuelles et en créant de nouvelles assemblées de parlementaires pour les compléter, les priorités des pourparlers
internationaux peuvent être plus directement influencés par les préoccupations de Monsieur Tout-le-monde.
En second lieu, le gouvernement du Canada appuie aussi fermement une plus grande participation de la société civile et des
organisations non gouvernementales [ONG] aux mécanismes du gouvernement mondial. Leurs compétences et leur
enracinement populaire sont également indispensables à la réforme.
Dans cet effort de réforme, les parlementaires et les membres de la société civile sont des alliés naturels qui n'ont nul
besoin des guerres intestines qui éclatent parfois. Leurs fonctions et compétences respectives -- légitimité démocratique
d'une part, et connaissances spécialisées d'autre part -- leur permettent de travailler de concert aux objectifs qu'ils
poursuivent en commun. Voilà pourquoi nous travaillons ensemble aussi souvent que possible.
Permettez-moi de mentionner quelques mesures prises récemment dans le sens de la réforme, souvent grâce aux efforts des
parlementaires et des groupes de la société civile agissant de concert.
Au Sommet des Amériques de Québec, en avril 2001, j'ai eu le plaisir d'agir à titre de parlementaire pour stimuler la
communication entre les groupes de la société civile et les dirigeants gouvernementaux réunis pour le Sommet. Puisque
j'étais à l'époque président du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international de la Chambre des
communes, j'ai pris des dispositions pour que ce comité tienne des audiences publiques avant et après le Sommet, afin de
faire participer les citoyens et les parlementaires au déroulement du Sommet.
En préparation du Sommet, le gouvernement a organisé une vaste consultation auprès de groupes de la société civile par
exemple les peuples autochtones, les jeunes, les Églises et les représentants du milieu des affaires. Il ne s'agissait pas
simplement de groupes de Canadiens, mais de voix représentatives de partout dans les Amériques. Au cours du Sommet
proprement dit, nous avons tenu une rencontre très fructueuse entre une soixantaine d'organisations de la société civile
canadienne et 15 ministres des Amériques. Les groupes de la société civile ont offert leurs opinions sur le programme du
Sommet et la réaction gouvernementale a au moins répondu en partie à leurs craintes concernant la non-réceptivité des
dirigeants aux préoccupations populaires. À la fin, notre premier ministre a déposé sur la table de chaque ministre présent
un volumineux recueil de rapports de consultation.
Plus récemment, au Sommet du G8 à Kananaskis, cet été, la ministre de la Coopération internationale, Mme Susan Whelan,
et moi-même, avons assisté au Forum G6B [Group of Six Billion], à Calgary, qui était une rencontre parallèle où les
militants de la société civile se sont rencontrés pour discuter des enjeux qui, selon eux, n'étaient pas traités adéquatement
par les dirigeants du G8. Après avoir rencontré les représentants du G6B, j'ai transmis leurs observations éclairées au
premier ministre, à Kananaskis.
Lors des rencontres concernant la Zone de libre-échange des Amériques, le Canada a obtenu gain de cause, malgré la forte
résistance de certains pays à ce que le groupe de négociation consulte les représentants de la société civile. C'était un choc
des cultures où l'on perçoit la société civile comme l'opposition, et notre propre culture, où nous reconnaissons les groupes
d'ONG comme critiques à l'endroit du gouvernement, mais facteur quand même important dans la formulation d'une
politique. J'ai le plaisir de dire que notre propre point de vue sur ces questions a fait son chemin au Mexique et dans
d'autres pays de l'Amérique latine où, de prime abord, on le percevait avec beaucoup d'hostilité.
Évidemment, l'engagement véritable de la société civile suppose que celle-ci ait véritablement accès à la tribune, et la
possibilité d'y participer. Nous estimons donc qu'il s'agit d'un triomphe dans le sens d'une plus grande transparence de
cette organisation, qui publie désormais les textes de négociation de ses accords, pratique amorcée à Buenos Aires par mon
collègue Pierre Pettigrew, ministre du Commerce international du Canada. À l'Organisation des États américains, la
création du FIPA [Forum interparlementaire des Amériques] a rendu cette institution tout à fait pertinente en suscitant chez
les parlementaires des États membres des discussions sur certaines préoccupations de la population comme la santé, la
démocratie, les droits de la personne et l'environnement.
L'an dernier, j'ai eu l'honneur d'être le premier président élu du FIPA à sa réunion inaugurale à Ottawa et j'ai vivement
apprécié la possibilité de partager les points de vue de mes électeurs avec les parlementaires de l'ensemble de l'hémisphère
lorsque la discussion est venue sur la façon de faire face aux conséquences de l'intégration des Amériques. J'ai trouvé très
stimulant de faire partie d'un mécanisme où l'on définissait une vision politique collective de l'avenir de l'hémisphère.
Comme je l'ai souvent dit, les Amériques, ce n'est pas simplement une question de libre-échange.
À l'OMC, le Canada a œuvré de concert avec les groupes de la société civile afin de créer une assemblée de parlementaires
capables de veiller à ce que le programme de l'OMC intègre les enjeux sociaux, culturels et environnementaux. À Doha,
l'an dernier, j'ai travaillé dans ce sens avec des collègues du Parlement européen, de l'Union interparlementaire et des
ONG intéressées. Même si l'assemblée doit encore surmonter de nombreux défis avant de devenir réalité, je puis dire avec
plaisir que c'est encore M. Pierre Pettigrew qui a insisté pour que l'assemblée des parlementaires figure au programme
ministériel de Doha.
Je dois aussi préciser que l'initiative tient ses origines du sénateur américain Bill Roth, qui en a avancé l'idée il y a trois ans
à Seattle, à la réunion de l'OMC.
À l'époque, nous tenions une réunion de parlementaires d'environ 60 pays et tous appuyaient l'idée, mais au départ, cette
idée et l'incitation à réaliser cette initiative venait d'ONG comme le Mouvement pour une fédération mondiale et d'autres,
qui ont commencé à étudier cette question il y a quelque temps. En fait, je me rappelle avoir assisté à une réunion où l'on
discutait de cette idée à la rencontre ministérielle de Genève il y a quelques années, et des 60 personnes environ présentes
dans la salle, une ou deux seulement, dont moi-même, étions des politiciens. Ainsi, les ONG et les parlementaires peuvent
collaborer efficacement dans ces questions.
Si je songe à tout cela, je puis dire avec fierté que nous avons fait bon nombre de petits pas dans la bonne voie. Le Canada
continuera à préconiser ces changements au gouvernement mondial et à encourager tous les gouvernements nationaux à
voir dans les parlementaires et les groupes de la société civile leurs alliés dans le processus permanent de réforme.
Passons maintenant des organisations mondiales à des enjeux particuliers qui sont des préoccupations mondiales, et sur ce
plan là également, nombre de partenariats de la société civile ont contribué aux initiatives relatives à la sécurité humaine
dans la politique étrangère du Canada. Les parlementaires et les ONG ont été des partenaires de premier plan dans des
questions aussi essentielles que les mines terrestres, la Cour pénale internationale [CPI] et le Processus de Kimberley.
Ainsi, le Comité international de la Croix-Rouge est devenu un partenaire égal du Canada dans le processus visant à
éliminer les mines terrestres. Nous avons travaillé la main dans la main au fil des années qui ont abouti à la préparation de
la Convention d'Ottawa de 1997 visant l'interdiction des mines antipersonnel. Depuis, la Croix-Rouge a joué un rôle
inestimable, appuyant des initiatives comme les programmes communautaires de sensibilisation aux mines et l'aide
médicale aux victimes des mines. En retour, le Canada a avancé des fonds au programme de déminage mis en œuvre par la
Croix-Rouge et d'autres partenaires.
Une autre collaboration fructueuse avec la société civile a mené à la création de la Cour pénale internationale. Cette cour
était une réaction des gouvernements aux demandes populaires formulées de par le monde et visant à mettre fin à
l'impunité des auteurs de crimes de guerre. Vous connaissez sans doute le rôle de premier plan du Canada dans la naissance
de cet instrument international essentiel. Les parlementaires de notre pays ont été immensément utiles dans cet effort, en
faisant valoir la CPI auprès de leurs homologues lors de rencontres bilatérales et à des tribunes comme l'Union
interparlementaire et l'Action mondiale des parlementaires. Nombre de nos partenaires de la société civile sont parties à
cette réalisation historique, et le Canada s'est engagé à promouvoir la participation de la société civile dans sa campagne
actuelle visant à veiller à ce que la CPI soit acceptée universellement, fonctionne efficacement et avec équité afin de rendre
une justice vraiment impartiale.
Cette semaine même, à Ottawa, nous avons tenu une réunion d'Action mondiale des parlementaires convoquée pour étudier
deux éléments importants de l'architecture mondiale future : la CPI et un rapport récent sur l'intervention humanitaire
intitulé La responsabilité de protéger.
Nous avons adopté une approche analogue en ce qui a trait au Processus de Kimberley, effort intergouvernemental piloté
par l'Afrique du Sud et dont l'objet est de veiller à ce que les « diamants de la guerre » soient exclus des marchés légitimes.
Le Canada a été l'hôte de la récente réunion plénière, composée de représentants du gouvernement, du secteur privé et des
ONG. Nous avons également donné notre appui à une ONG canadienne, Partenariat Afrique Canada, qui a réalisé une
grande étude sur les diamants de la guerre en Sierra Leone et qui amorce actuellement un projet sur les pratiques de
« minage juste ».
Évidemment, l'organisation internationale la plus importante en matière de gouvernement mondial est actuellement les
Nations Unies, et c'est là que se situe une grande partie de nos efforts vers un surcroît de transparence, de responsabilité et
d'efficacité. Je ne pourrais trop insister sur l'importance de garantir l'efficacité de cette institution. Tout comme les autres
institutions multilatérales dont j'ai parlé, elle ne peut amorcer avec succès les réformes nécessaires pour maintenir sa
légitimité et sa pertinence si elle n'a pas l'appui de tous les paliers de la société civile.
Enfin, il reste un dernier point important à traiter à propos de la société civile et du gouvernement mondial.
L'internationalisme est chose fragile. Il dépend d'une base d'attitudes culturelles qui rendent possible le dialogue pacifique
et inclusif.
Le gouvernement du Canada croit que l'une des contributions importantes qu'il peut faire sur la scène mondiale passe par
le modèle qu'il offre d'une culture où, de façon générale, l'internationalisme fonctionne dans un contexte national. Ainsi
que l'affirmait récemment Janice Stein : « Le Canada est une société de diversité, dont les membres tirent leur nationalisme
de liens de parenté et d'attachements à toutes les sociétés du globe. Puisque le Canada devient un microcosme de la planète,
la question de savoir si nous réussirons à construire une vaste architecture de sécurité au Canada deviendra un test
révélateur pour les autres. »
Je crois pour ma part que le Canada a quelque chose d'unique à offrir au monde : son expérience de travail et de vie au sein
d'un vaste pays multiculturel et dans la promotion de la compréhension, de la tolérance et du respect mutuels. Nous
sommes souvent nos propres critiques les plus sévères et cela est d'une extrême importance dans une société libre et
démocratique. Pourtant, comme je le mentionnais précédemment, il est toujours étonnant d'aller à l'étranger et de constater
que, quels que soient les critères, nous suscitons une grande admiration en tant que société dynamique et prospère.
Lorsque je voyage à l'étranger, je parle souvent de ma propre circonscription ici à Toronto. J'ai l'honneur de représenter un
secteur qui comprend St. James Town, où environ 12 000 personnes parlent 57 langues différentes. Nous n'aurions ni la
paix, ni l'harmonie, ni la justice sociale, ni la coopération si nous n'avions pas un sentiment de respect mutuel et la volonté
de travailler de concert à régler nos problèmes. Et, à mes yeux, ma propre circonscription et les personnes que je représente
sont l'illustration de notre histoire en tant que pays d'immigration. Peuplé au départ d'Autochtones, le Canada a ensuite
reçu une première vague d'immigration, surtout d'Europe. Les vagues successives d'immigrants sont venues de toutes les
régions du monde. À cet égard, nous sommes comme les États-Unis, le pays qui est le plus proche de nous par les valeurs et
la culture.
Et chaque vague d'immigration rend le Canada plus fort. Aujourd'hui, notre diversité culturelle est la marque de notre
identité nationale. Elle nous donne de la force dans le monde parce que le monde est en nous.
Par contre, nous offrir comme exemple des possibilités mondiales ne nous laisse pas le choix : nous devons être vigilants
sur l'état de notre propre société. Puisque le monde est à l'intérieur de nos frontières, lorsque tout va mal à l'étranger, nous
en ressentons les contrecoups ici. Lorsque Benjamin Netanyahu a tenté de prendre la parole à l'Université Concordia, cet
été, les émeutes que cela a déclenché étaient un signe alarmant de la fragilité éventuelle d'un engagement au dialogue. Cela
souligne que nous devons tous faire preuve de vigilance, pour que ce type de comportement ne soit pas toléré dans notre
pays.
Soyons francs : les éléments ou tendances de notre société civile ne méritent pas tous d'être encouragés. Lorsque nous
songeons à l'urgence des problèmes mondiaux à régler et que nous essayons de raffermir et de réformer les institutions
multilatérales nécessaires pour les régler, que nous favorisons la participation des ONG et des parlementaires à ce
processus, dans tout cela, nous nous devons de tenir compte du vaste contexte culturel qui favorisera ou contrariera les
valeurs du pluralisme, de l'inclusivité, du sens civique et du respect mutuel.
Cela dit, je crains de n'avoir qu'élargi l'ampleur d'un programme de conférence déjà chargé. Par contre, la compétence de
mon public est sûrement à la hauteur. Je vous salue pour cette rencontre visant à débattre de problèmes aussi importants, et
je termine en vous remerciant de m'avoir invité à prendre la parole devant vous.
Merci.